💀 Ceci n'est pas un jeu d'horreur

Voyage de l'étrange dans l'étonnante cité de Babbdi.

Capture d'écran du jeu Babbdi. Vue à la première personne où le joueur tient une batte. Au centre, un mur sombre où l'on voit un trou au travers duquel un homme semble nous épier.
Batte en main, j'observe un homme à travers un mur. L'atmosphère, oppressante, ne laisse rien présager de bon...

Pour introduire l'œuvre dont je m'apprête à réaliser la revue, j'aimerais citer un adage bien connu : "L'habit ne fait pas le moine".

Si l'on observe la capture d'écran ci-dessus, on distingue bien peu de couleurs, un mur crasseux et, derrière, une étrange silhouette humaine qui semble nous fixer du regard. Dans notre main droite : une batte, comme si nous allions devoir affronter une menace quelconque...

L'entrée en la matière est pour le moins violente : bienvenue à Babbdi.


⚠️
Cette publication comporte des spoilers mineurs.

Les premiers instants à Babbdi sont déstabilisants. Alors que nos yeux découvrent un couloir lugubre, on aperçoit par la fente bétonnée qui fait office de fenêtre à côté de nous ce qui ressemble à une ville morne et grise.

Capture d'écran des premiers instants du jeu vidéo Babbdi.
Bienvenue

Au loin, un son lent, grave, triste et répété résonne - le glas d'une église ?

Pas le temps de réfléchir, il faut avancer et, la première réalisation que l'on fait est la suivante : nous ne sommes pas seuls.
A notre droite, une pièce et son habitant - un humanoïde ressemblant à un vieux monsieur, se tenant avachi sur sa chaise et nous accueillant d'un regard perturbant. Calmement, il nous dit :

"Prends ma batte, et essaye de frapper quelques surfaces avec ! Peut-être se reverra t-on." - Ivano

Ni bonjour, ni quelque autre politesse que ce soit, Ivano (de son prénom) nous confie indirectement une quête : apprendre à manier son bâton. Nous portons alors un grand coup contre le premier mur venu et, contre toute attente, nous voilà propulsés en arrière, à une vitesse dépassant l'entendement.

Alors que l'on se met en route pour explorer le reste du bâtiment à coups de coups (oui, vraiment), on entend quelqu'un marmonner. Un homme, nommé Asker, tient ces propos sans trop tenir compte de notre présence :

"On quittera Babbdi. J'ai des billets de train."

C'est alors que l'on trouve, gisant au sol dans une pièce voisine, une certaine Griselda. Notre objectif devient soudain limpide : nous devons partir d'ici au plus vite et...

C'est tout - je n'en dirai pas beaucoup plus sur l'intrigue de ce jeu que je vous invite à découvrir par vous-mêmes. Développé par les frères Sirius et Léonard Lemaître, BABBDI est disponible gratuitement sur PC via Steam ou ItchIo.

BABBDI on Steam
Find your way out of BABBDI. A short, first person exploration experience.
Babbdi by Lemaitre Bros.
Available for Windows

Il se joue rapidement (comptez entre 30 minutes et 1 heure) et saura vous ravir si vous éprouvez un quelconque intérêt à l'égard des genres "walking simulator" / "3D plateformer", ou si vous êtes sensibles aux esthétiques liminales et brutalistes...

Et l'esthétique de Babbdi... Parlons en !


En architecture, le brutalisme est un mouvement qui prône la nature "brute" et sans ornements de ses conceptions : il recherche le massif, le symétrique, l'uniforme et ne semble laisser aucune place à la fantaisie.

Page 28 du livre "Liminal - Les nouveaux espaces de l'angoisse" par ALT 236

Lorsque l'on contemple la ville de Babbdi, c'est tout à fait ce que l'on voit : du béton à perte de vue, des bâtiments aux formes improbables et aucun élément décoratif ou presque.

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Une des quelques ambiances sonores de Babbdi
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L'ambiance sonore de cette ville s'inscrit dans le même style : brute, sale, gênante, oppressante.

Chaque son que l'on entend semble nous agresser d'une manière ou d'une autre. Ici, un bruit de moteur affreusement fort. Là, ce qui ressemble à des cris d'une personne dont on ne connaît la localisation…

Et, comme si l'horreur induite par l'apparence et la sonorité de la ville de Babbdi ne suffisaient pas, le jeu tente de provoquer chez nous le malaise au travers du quatrième mur : les interfaces.

Voyez plutôt :

Tout dans cette œuvre semble nous vouloir du mal.

La ville est laide, ses habitants sont effrayants, la vie ne semble pas disposée à prospérer ici et les menus du jeu nous crient "Fuyez !" et pourtant...

Souvenez-vous : l'habit ne fait pas le moine.


Au gré des minutes et de nos pérégrinations, on s'accoutume à l'étrange.

La tension initiale semble retomber alors que l'on ramasse divers objets qui nous aident dans nos déplacements. Petit à petit, on s'approprie cette ville et bien assez tôt elle devient ce qu'on ne l'aurait jamais imaginé être : une vaste cour de récréation.

On trouve des moyens de sauter plus haut, plus loin, plus vite. On découvre, bien que dissimulées, des traces bien réelles du vivant. On apprend à se repérer, on gagne en maîtrise, on développe des aptitudes spectaculaires telles que la grimpe sur les toits et le vol plané. Pour chaque tentative d'explorer un peu plus, le jeu nous récompense un peu plus ! On peut se rendre partout. Monter chaque pente. Arpenter chaque ruelle. Peu importe : il y a toujours quelque chose à voir, il y a toujours matière à se laisser surprendre, il y a toujours quelque chose à faire, et…

Qu'est-ce qu'on doit faire déjà ?

Partir d'ici ? Mais pour aller où, et pourquoi ?

Pour moi, c'est là qu'est le tour de force de ce petit jeu : il vous impose un monde, que vous allez instinctivement rejeter au premier abord au point de vouloir le quitter, puis, avec le temps, vous donne toutes les raisons de rester.

Venez faire un tour à Babbdi.