📚 Vocabulaire : Roguelike / Roguelite, quelle diffĂ©rence ?

Vous avez déjà probablement vu coexister ces genres de jeux, mais savez vous ce qu'ils représentent et ce qui les différencie fondamentalement ?

📚 Vocabulaire : Roguelike / Roguelite, quelle diffĂ©rence ?
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Cet article a été publié sur une plateforme tierce bien avant l'ouverture de mon blog. Il est possible que vous l'ayez déjà lu car c'est un copier-coller d'archivage. Dans le cas contraire, bonne lecture !

Salut Internet,

Si vous me connaissez dĂ©jĂ , vous devez probablement vous dire “Mais tu radotes Sh3yk ! Encore Ă  nous parler de roguelikes et de roguelites lĂ  !”. C’est rĂ©el, je radote mais c’est un sujet qui me tient tellement Ă  cƓur que j’ai envie de profiter de cet espace Ă©crit pour, encore une fois, aligner mes idĂ©es sur le sujet.

Si vous prĂ©fĂ©rez le format vidĂ©o, j’ai une bonne nouvelle ! Il se trouve que j’en ai rĂ©alisĂ© une que vous pouvez consulter juste ici :

Si vous ĂȘtes bel et bien lĂ  pour l’écrit, alors c’est parti !

Envolons nous pour un Hululement Ludique dont le sujet sera la caractĂ©risation des genres “roguelike” / “roguelite”, en passant par un rapide “cours d’histoire” suivi d’une rĂ©flexion orientĂ©e gameplay : rĂšgles et courbes de difficultĂ©.


Il était une fois les jeux vidéo


De nos jours, quand on pense “jeux vidĂ©o” on ne manque thĂ©oriquement pas d’idĂ©es.

On peut imaginer une jolie production, qu’elle soit en 2D ou en 3D, qu’elle soit indĂ©pendante ou non, qu’elle soit sur PC, console ou mobile


On peut Ă©galement visualiser des compĂ©titions prestigieuses telles que les “Worlds de League of Legends” ou encore les “Counter Strike Major", avec des salles gigantesques remplies de foules venues encourager la pratique professionnelle du jeu vidĂ©o


On peut penser aux polĂ©miques que cet art soulĂšve Ă  la tĂ©lĂ©vision ou dans les journaux, tout comme on peut constater que c’est aujourd’hui l’une des industries les plus lucratives du secteur du divertissement


Pourtant, avant d’incarner tout cela, les jeux ne ressemblaient Ă  rien, en atteste la capture d’écran suivante.

Capture d’écran du jeu Star Trek (1971), par Holek sur WikipĂ©dia

Dans les annĂ©es 1960, les ordinateurs ont peu de puissance, l’informatique en est Ă  ses balbutiements et il en va de mĂȘme pour le jeu vidĂ©o.

C’est dans ce contexte, quelque part sur les bancs de l’UniversitĂ© de Californie - Santa Cruz, qu’une rencontre dĂ©terminante pour l’avenir du jeu vidĂ©o va s’opĂ©rer : Michael Toy croise le chemin de Glenn Wichman.

Pardonnez moi le namedrop mais retenons simplement que ces deux gaillards, Ă©tudiants en informatique et dĂ©jĂ  trĂšs Ă©pris de l’idĂ©e de dĂ©velopper des jeux, vont cocrĂ©er une Ɠuvre dont le nom rĂ©sonnera encore un demi-siĂšcle plus tard


Rogue

Screenshot of Rogue
Capture d’écran du jeu Rogue (1980), par Thedarkb sur WikipĂ©dia

Le jeu

Comme l’image ne le laisse pas deviner, c’est un jeu vidĂ©o dont l’ambition est de permettre aux joueurs & joueuses de vivre des aventures dignes de celles d’un jeu de plateau, Ă  la diffĂ©rence prĂšs qu’il est Ă©lectronique et pensĂ© pour ĂȘtre jouĂ© seul.

On y incarne “un aventurier qui doit explorer un donjon Ă  la recherche de trĂ©sors”, et l’aventure qui nous est proposĂ©e est Ă©volutive : Ă  chaque nouvelle partie, la disposition des donjons change et les effets des diffĂ©rents objets Ă©voluent.

Si vous ĂȘtes nĂ©(e) aprĂšs les annĂ©es 90, il y a fort Ă  parier que les graphismes (si tant est que vous acceptiez de les considĂ©rer comme tels) ont retenu votre attention. Effectivement, Ă  l’époque du dĂ©veloppement de Rogue, la technologie ne permettait pas encore de rĂ©aliser de “beaux” jeux, alors on faisait avec les moyens du bord. En l’occurrence, on dessinait les niveaux, les personnages et les objets Ă  l’aide de caractĂšres “ASCII” (des chiffres, des lettres et des caractĂšres spĂ©ciaux, en somme).

Exemple de hibou en caractĂšres ASCII (Source : https://ascii.co.uk/art/owl ) :

       .___,   
    ___('v')___
    `"-\._./-"'
        ^ ^ 

Rogue nous propose donc de jouer un personnage reprĂ©sentĂ© par le caractĂšre “@” , Ă©voluant dans des piĂšces dĂ©limitĂ©es par des “-” et des “|”, trouvant des parchemins prĂ©sentĂ©s comme des “?” et combattant des “K” (Kestrels, des genres de monstres) parmi tout un tas d’autres crĂ©atures.

Chouette alors ! Mais du coup, est-ce à lui que l’on doit l’apparition des “roguelikes” ? Des jeux “à la Rogue” ?

Sans nul doute, mais pour mieux comprendre il va falloir se pencher sur


Les fondamentaux

Ce qui va nous intĂ©resser pour la suite de notre Hululement, c’est ce qui caractĂ©rise ce jeu et par extension un roguelike. On pourrait le lancer, et tenter d’observer par nous-mĂȘmes ses spĂ©cificitĂ©s, mais il se trouve que par chance, certaines personnes ont dĂ©jĂ  (bien) Ă©tudiĂ© la question.

En fait, cette rĂ©flexion sur ce qu’est rĂ©ellement (ou non) un roguelike soulĂšve tellement de dĂ©bats qu’en 2008, Ă  l’International Roguelike Development Conference de Berlin, quelques personnes ont tentĂ© de proposer une spĂ©cification officielle de ce qu’est un roguelike


D’aprĂšs leur interprĂ©tation, donc, un roguelike devrait rĂ©pondre au moins aux exigences suivantes :

  1. Ses niveaux sont générés aléatoirement
  2. La mort y est permanente
  3. Le jeu est figĂ© tant que l’aventurier ne bouge pas : c’est du tour par tour
  4. L’ensemble des niveaux est fait de grilles (oĂč 1 case = 1 personnage, 1 objet, un mur etc.)
  5. Il n’existe qu’un seul et unique Ă©cran de jeu oĂč il est toujours possible de dĂ©placer son personnage (il n’y a pas d’écran de boutique, de choix de talents, de fabrication d’objets etc.) - le jeu est donc non-modal
  6. Rogue repose sur de l’exploration

  7. Mais aussi sur beaucoup de combats - faisant de lui un des premiers Hack N’ Slash
  8. Le jeu doit proposer une complexitĂ© suffisamment dĂ©veloppĂ©e pour qu’un problĂšme puisse ĂȘtre rĂ©solu de plusieurs maniĂšres
  9. Enfin, tout roguelike doit contraindre la personne qui joue à opérer avec des ressources limitées (peu de vie etc.).

Et, c’est tout ?

Pas vraiment, puisque cette interprĂ©tation pose aussi quelques rĂšgles dites “de faible valeur” (par exemple imposer des graphismes en ASCII
) et ce faisant pose plus de problĂšmes qu’elle n’en rĂ©sout, ouvrant au passage la porte Ă  de nombreuses contestations telles que celle-ci.

Capture d’écran de l’article de Darren Grey - “Screw the Berlin Interpretation”

Cependant, Ă  titre personnel, si l’on ne retient que les 9 points prĂ©cĂ©demment Ă©numĂ©rĂ©s, cette dĂ©finition de roguelike me convient parfaitement car c’est Ă  la fois facile Ă  comprendre et Ă  observer, mais aussi car, de toutes maniĂšres, la suite de l’histoire vidĂ©oludique va apporter un renouveau significatif


Le changement, c’est maintenant !

Si l’on prend quelques instants pour revenir sur ces rùgles de “Rogue” que l’on vient d’aborder, on peut vite se rendre compte d’une chose : bon sang, que le genre a l’air difficile !

Il faut visiblement se dĂ©placer de maniĂšre rĂ©flĂ©chie (tour par tour), survivre Ă  plein de monstres en s’appuyant sur des objets dont on ne peut jamais maĂźtriser les effets, et si l’on meurt c’est pour de bon


Et si ces rĂšgles Ă©taient rĂ©ellement trop contraignantes ? Et si l’on se permettait quelques libertĂ©s Ă  leur Ă©gard, en imaginant par exemple que la mort ne serait pas nĂ©cessairement la “fin du jeu” mais une “fin de partie” ?

C’est prĂ©cisĂ©ment avec cette idĂ©e qu’a Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ© “Rogue Legacy”, et c’est suite Ă  cette production que va naĂźtre un genre nouveau : le roguelite.

Rogue Legacy | Jeux à télécharger sur Nintendo Switch | Jeux | Nintendo

Pour reprendre les paroles de Teddy Lee, créateur de Rogue Legacy :

"Rogue Legacy is a genealogical rogue-'Lite,'" Lee told Shacknews. "When you die, your children take over your cause, and each child is unique. One of the children might be a dwarf wizard whose near-sighted, and another could be a ninja whose a hypochondriac. We labeled this game a rogue-'Lite' because it takes elements from roguelikes but is a little more accessible." - Source : Interview chez Shacknews, 2013

En somme, la mort n’est plus vraiment une punition : elle devient plutĂŽt une mĂ©canique de jeu Ă  part entiĂšre en apportant une belle innovation : la meta-progression (ou le fait de conserver une forme de progression d’une partie Ă  une autre).

Un roguelite serait donc un jeu qui puise dans les mécaniques des roguelikes tout en misant sur une certaine liberté créative pour en altérer les rÚgles essentielles afin de proposer une expérience de jeu renouvelée.

Voyez plutît


Des roguelites qui maintiennent le tour par tour mais remplacent les donjons par des cartes ? Slay The Spire ou encore Balatro !

Un roguelite avec des dés ? Slice And Dice.

Un roguelite de tir Ă  la 3e personne ? Demandez Ă  Imagine Dragons ce qu’ils en pensent
 Risk of Rain 2, bien sĂ»r.

Pour la science, j’ai mĂȘme trouvĂ© un roguelite de skate (Helskate)


On l’aura compris : il y en a pour TOUS les goĂ»ts, et ce grĂące au dĂ©passement des rĂšgles initialement Ă©tablies autour de Rogue, mĂȘme plus d’un demi siĂšcle plus tard.

Seulement voilà, en contournant la rÚgle de la mort définitive pour laisser place à la fameuse méta-progression, les roguelites, aussi rafraßchissants soient-ils, posent un problÚme de design tout particulier


La difficulté inégale

Avec les roguelikes, le pĂ©rimĂštre d’une partie est simple : les ressources du joueur sont limitĂ©es, et quand il meurt tout est bouclĂ©, il n’y a rien Ă  recalculer / enregistrer, on se contente de rebattre les cartes.

Pour le joueur, c’est trĂšs simple aussi : “soit je parviens Ă  dompter ce donjon, soit je meurs”. Cette implication Ă©motionnelle pousse Ă  relancer le jeu encore et encore, mais elle pousse surtout Ă  s’amĂ©liorer car sur un roguelike, le jeu est figĂ©. On doit l’apprendre, le comprendre, le maĂźtriser pour progresser. Autrement dit, c’est au joueur d’évoluer et de s’amĂ©liorer.

Du cĂŽtĂ© des roguelites en revanche, c’est plus complexe.
Puisque la mort n’est plus la fin de toutes choses, puisqu’il y a cette meta-progression qui fait que notre personnage se renforce progressivement d’une partie Ă  l’autre (d’une maniĂšre ou d’une autre, que ce soit par des caractĂ©ristiques amĂ©liorĂ©es, une plus grande variĂ©tĂ© d’objets ou une diversification des parcours possibles), il devient dĂ©licat de ne pas penser que notre part de responsabilitĂ© en tant que joueur est moindre quand il s’agit de progression. On doit certes apprendre et comprendre le jeu, mais on doit aussi et surtout mourir (et enchaĂźner les parties, en dĂ©finitive) pour progressivement obtenir des conditions de jeu plus favorables.
Ce n’est plus qu’au joueur d’évoluer, c’est aussi au jeu - ainsi, dans le temps, la difficultĂ© d’un roguelite aurait tendance Ă  dĂ©croĂźtre.

Cela fait-il des roguelites un genre moins amusant pour autant ?

Je ne crois pas.
En fait, je crois mĂȘme que ça les rend d’autant plus intĂ©ressants car moins Ă©litistes, d’une part, mais aussi et surtout car bien souvent ceux-ci vont proposer Ă©normĂ©ment de contenu (objets / personnages / sorts etc.) Ă  dĂ©bloquer au grĂ© des parties, leur octroyant une forte rejouabilitĂ© doublĂ©e d’un rĂ©el sentiment d’accomplissement pour toute personne qui voit sa collection s’agrandir.

Avez-vous trouvĂ© tous les objets et personnages dans The Binding of Isaac ? Avez-vous beaucoup dialoguĂ© avec tous les habitants des enfers dans HadĂšs ? Avez-vous trouvĂ© toutes les combinaisons secrĂštes d’artefact dans Risk of Rain 2 ? Comment vous sentiez vous lorsque vous avez accompli (ou tentĂ© d’accomplir) un de ces exploits ou similaire ?

Dans mon for intĂ©rieur, je pense qu’elle est lĂ  la magie des roguelites


Conclusion

J’espĂšre ne pas vous avoir trop assommĂ©, quoi qu’il en soit si vous ĂȘtes encore lĂ , nous allons pouvoir conclure !

En dĂ©finitive, si “roguelike” signifie bien “comme rogue”, et que “roguelite” signifie bien “comme rogue mais en plus lĂ©ger / accessible”, dans la rĂ©alitĂ© ces propos sont bien souvent utilisĂ©s de maniĂšre interchangeable et ne reprĂ©sentent, finalement, que des nuances d’un mĂȘme genre de jeu vidĂ©o quasi prĂ©historique.

Si l’on devait se servir de ces termes de maniĂšre trĂšs prĂ©cise, cela aboutirait trĂšs vraisemblablement Ă  la disparition du terme “roguelike” car il n’y a plus, aujourd’hui, de productions vidĂ©oludiques appliquant scrupuleusement l’interprĂ©tation de Berlin.


Et voilĂ  ! Vous savez tout !

J’espĂšre que cette lecture vous a plu, que vous avez appris des choses et je vous invite Ă  prĂ©sent Ă  vous approprier l’espace commentaires.

Vous les connaissiez, vous, ces diffĂ©rences ? Voyez vous un parallĂšle possible avec d’autres genres de jeux, comme les “soulslike” et peut ĂȘtre des “soulslite” ?

D’ailleurs, avez-vous des roguelikes / roguelites prĂ©fĂ©rĂ©s ?